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Se soustraire au granit

Ecrit pour l'appel à textes de la revue Mouche

Thème : Pourquoi tu n'es pas seulement seulement seulement un jeune glacier en train de devenir brusque

Je - c’était il y a peu de temps je n’étais - à peine une ou deux ères géologiques je n’étais rien - sous la terre et la terre je n’étais rien de plus - sous les morts et les vivants je n’étais rien de plus qu’un grand froid dans le chaud. J’attendais mon existence - tout attend toujours quelque chose j’attendais un miracle une forme un bruissement j’attendais un son une odeur - rien n’existe tant que rien ne sent j’attendais mon corps pas qu’il fasse quelque chose j’attendais qu’il soit - rien n’existe tant que rien n’existe


Il n’y a pas eu de miracle pas de formes pas de bruissement. Il n’y a pas eu d’odeur dans le froid ni d’odeur dans le chaud. Pas eu d’existence mon corps n’est jamais advenu. L’histoire s’est arrêtée net pourtant on m’avait juré le contraire on m’avait dit patience tout doit toujours commencer quelque part mais sous les croûtes et les roches tout est figé je ne suis qu’une différence de température. Des cristaux forment mon contour et ma tête et ma bouche sont des concepts qui existent dans ma compréhension de flocon je ne comprends pas très bien pourquoi car rien n’est jamais advenu.


Il eut fallu l’élan la poussée le courant chaud dans l’univers froid ou le courant froid dans l’univers chaud, il eut fallu le grand renversement la terre qui se retourne et tombe hors de son pot alors la vie se serait agitée alors les atomes auraient frétillé. Il y aurait eu des grands regroupements et des grandes scissions, des grandes failles dans la terre et chez les humains, il y aurait eu des révolutions qui tournent la tête et d’autres qui fouillent dans les bouches alors peut-être quelque chose aurait été permis alors peut être mon corps serait advenu rien ne se passe si rien ne se passe


Maintenant c’est maintenant à peine mille ou dix mille tentatives plus tard je ne suis rien de plus je ne suis rien de plus qu’une différence de température, tout a toujours échoué à nous faire exister nous qui aurions de nos corps advenus pu faire trembler les murs et les arbres, les clairières et les assemblées. Je reste à la fissure à l’orée de la roche et de la roche, je reste au point où tout peut toujours casser je reste en état perpétuel de presque tout et de surtout rien, incapable comme les autres d’amorcer la bascule depuis nos vécus fracturés.


Pourtant rien n’existe tant que rien n’existe et se lamenter n’alimentera pas le brasier nécessaire ni ne mettra en branle les plaques qui les soutiennent ou nous étouffent ne nous permettra pas de gratter les strates ni de goûter le karst, ne détruira pas la frontière épaisse entre les morts froids et les morts chauds ni ne transformera nos expériences glaciaires en ères qui cisaillent l’Histoire.


Une révolution avortée amorce déjà la suivante et que pouvons-nous que pouvons-nous que pouvons-nous faire à part inlassablement brusquer la matière et s’en faire et s’en défaire et devenir.

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