top of page

Petits bouts de rien

Dernière mise à jour : 31 mars 2024

Ecrit dans le cadre de l'appel à contributions sonore de Mange tes mots # 16


Citation/thème : Elles disent que celles qui revendiquent un langage nouveau apprennent d’abord la violence. Le paradis est à l’ombre des épées.

Monique Wittig


Episode disponible ici


Se battre.

Aujourd’hui le concept me parait… Lointain, inatteignable.


Souvent je me tiens en retrait de la bataille. Les mots tranchants des généraux blancs qui se battent pour avoir, pour conquérir, me font peur. Les faces ensanglantées de celles qui se battent pour garder, pour survivre, me font peur. J’ai peur. Et, sinueuse, suintante, tisseuse, la peur me paralyse. Elle opacifie mes fenêtres pour que je ne vois qu’elle.


Elle, ma seule compagne.


Et puisqu’il n’y a qu’elle, alors je dois la chérir parce que si je l’abandonne, si je la fait fuir, que reste-il ? Un corps sans vie. Sans cri. Le dernier sentiment, la dernière goutte d’humanité, celle qui me différencie des cadavres, partie.


Alors je peur, je reproche, je subis, j’isole.


Et puisque c’est du combat dont j’ai peur, comment combattre la peur ? Ce ne sont pas mes mots qui vont la faire battre en retraite. Elle n’est pas bête. Je me tiens en retrait de la bataille.


Souvent je honte, je subis, j’isole.


Je ne pleure pas, la tristesse est partie il y a de cela plusieurs combats. A force de me battre, je me suis perdue. Depuis je ne me bats plus. Plus de tristesse, plus de colère plus de joie, plus de peine, rien que de la peur. La peur qu’elle parte et que je parte avec elle.


Me rappeler du tranchant des mots m’empêche d’écrire. Me rappeler que l’humain contient une quantité limitée de sang m’empêche de me faire violence. Observer les batailles menées par les autres allume un instant, un tout petit instant les petits bouts de rien qui restent, avant de se faire engloutir.


-Si les autres peuvent. Pourquoi ne peux-tu pas. Si les autres prennent les armes, produisent, écrivent, se rassemblent, si les autres créent un monde moins sanglant ou plus sanglant mais qui ne fasse pas saigner toujours les mêmes, si un ailleurs est possible alors pourquoi, pourquoi restes-tu plantée là, au fond de ta peur invisible ?-


Ta gueule. Ta gueule.


Du fond de ma peur, ta gueule. Du fond de ma peur, je ferai parler les petits bouts de rien qui me restent. Petites vrillettes, à l’assaut du grand arbre, dont chaque feuille fait planer une ombre inquiétante au dessus de mon humain vague. Elles disent que celles qui revendiquent un langage nouveau apprennent d’abord la violence. Qu’en est il de celles qui à force d’apprendre la violence, n’ont plus de mots ? Le paradis est à l’ombre des épées. Je mourrai engloutie par les ombres de la peur. Ou... je ferai parler les petits bouts de rien qui restent.

Posts récents

Voir tout
Fragments 2

Mars 2025 Un jour sur 3 tu te dis tu n'y as pas pensé tu y penses La gueule en biais des souvenirs d'hier tu t'habitues à tes contours...

 
 
 
Fragments

Inspirés de poèmes d'Alejandra Pizarnik Sur le thème de la disparition L'envie se décroche de son socle et coule le long des vitres de la...

 
 
 
Nombres

2. C’est avant ton année de naissance sur la carte verte celle dont tu as besoin pour vivre on y lis 2 comme 2ème sexe 2 comme ne ment...

 
 
 

Comments


bottom of page